Retour sur l’affaire Lena Goldfields c. URSS (Sent. 2 sept. 1930, Lena Goldfields c. URSS, A. Nussbaum, « Arbitration Between the Lena Goldfields Ltd. and the Soviet Government », Cornell Law Rev., 1950, vol. 36/2, p. 31) et l’affaire « Black Tom » (Sentence 16 oct. 1930, Lehigh Valley Railroad Cy, Agency Of Canadian Car And Foundry Cy, et a. c. Germany, Rec. des sentences arbitrales, ONU, Vol. VIII, 2006, p. 84).
La société anglaise The Lena Goldfields exerçait son activité minière en Sibérie avant la Révolution russe et avait obtenu une concession en 1925, au moment de la NEP (New Economic Policy), remplacé par le Plan quinquennal de 1929. A cette occasion, les employés de la Lena ont fait l’objet d’un certain nombre de mesures désagréables, comme participant à une entreprise capitaliste, entraînant le rappel d’un de personnels, jusqu’à une nuit du 15 décembre 1929, où les forces de la GPU lancèrent un raid contre les établissements de la Lena, arrêtant les employés, les cadres mais aussi (et peut-être surtout), les plans, et tous les documents techniques. Les employés furent alors poursuivis pour des menées contre-révolutionnaires et activités d’espionnage. Une clause compromissoire figurait dans le contrat de concession, que mettait en œuvre, en février 1930, en ce qu’on considèrerait aujourd’hui comme un arbitrage d’investissement, et dans lequel l’URSS désignait effectivement un arbitre, permettant à l’arbitrage de se développer, avant de rapidement se rétracter, en mai 1930, sous des prétextes grossiers (la lena aurait résolu le contrat d’agrément, en rappelant ses ingénieurs). L’arbitrage « tronqué » se poursuivait et, par une sentence du 2 septembre 1930, condamnait le gouvernement soviétique à payer une somme de près de dix millions de livres, superbement ignorée par l’URSS, qui finalement essayait de négocier directement avec le gouvernement anglais une réduction de la condamnation (finalement obtenue, en 1934, à hauteur de trois millions de livres payables en vingt ans et payée jusqu’ à l’arrêt des paiements en mai 1940.
L’affaire Black Tom concernait une question assez différente, plus typée « espionnage » (Sent. 16 oct. 1930, Lehigh Valley Railroad Cy, Agency Of Canadian Car And Foundry Cy, et a. c. Germany, Rec. des sentences arbitrales, ONU, Vol. VIII, 2006, p. 84). Dans cette affaire, un agent allemand aurait été à l’origine de l’explosion puis de l’incendie du Black Tom Terminal dans le Port de New-York, en 1916, et la destruction de l’usine de Kingsland, dans le New Jersey en janvier 1917, à un moment où les Etats-Unis étaient encore neutres à l’égard du conflit européen mais fournissait des munitions aux Alliés. Or, après la Guerre, l’Allemagne et les Etats-Unis s’étaient entendu sur des accords de réparation pour des faits durant la période de neutralité, pour autant qu’ils puissent effectivement être imputables à des agents allemands. L’auteur présumé, Lothar Witzke s’était ensuite réfugié au Mexique, rejoint par un agent américain infiltré, Paul Altenhorf, auquel il aurait confié en avoir été l’auteur. Un arbitrage était engagé (un commissioner de chaque Etat et un arbitre –umpire– dans rôle de départiteur) mais les responsables allemands de l’époque, donneurs d’ordres de Witzke, réfutaient les faits, et la sentence de 1930 fait une longue énumération des faits qui ont conduit l’arbitre à considérer que, s’il était probable que les destructions étaient diligentées par l’Allemagne, il ne parvenait pas à établir la réalité de la chaîne des faits pour rejeter donc la demande. Les américains firent des demandes de réouverture des débats visant à réviser la sentence de 1930, celle-ci ayant été annulée en 1932 aux Etats-Unis, de sorte qu’à la suite d’un long processus décisionnel refusant d’abord cette réouverture (30 mars 1931, Rec., cit., p. 101, 3 déc. 1932, op. cit., p. 104, 15 déc. 1933, op. cit., p. 160, 9 nov. 1934, op. cit., p. 190, 29 juill. 1935, op. cit. p. 211, 3 juin 1936, op. cit., p. 222) la solution était révisée en 1939, parce que les témoignages allemands produits avaient été falsifiés ou achetés (Sent. 15 juin 1939, op. cit., p. 225). V. aussi, Sent. CIRDI 2 sept. 2011, ARB/06/8, Libananco c. Turquie, concernant un arbitrage d’investissement (TCE), où, dans une série d’opérations en matière d’extraction gazière, les forces turques avaient occupé des installations gazières, chassés le personnel et saisi matériels divers et documents et les contrats de concession étaient résiliés, Libananco, une société chypriote, ayant acquis les titres sur les concessionnaires, sur fond donc de tensions diplomatiques (la sentence considérait le tribunal comme incompétent et condamnait Libananco sur les coûts.