MIRAGE 2022-1

La corruption et l’arbitrage saisis en demi-teinte par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 29 sept. 2021, n°19-19.769, cf. infra)

D. Mainguy, professeur à l’université de Paris I Panthéon Sorbonne

Résumé : Le juge ayant l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis, doit être censuré l’arrêt d’appel ayant confirmé le rejet de l’exequatur d’une sentence arbitrale international en raison de sa contrariété à l’ordre public international du fait d’une corruption illicite présumée, sur le fondement de la transcription de l’audience arbitrale que l’arrêt d’appel a dénaturé.

L’arrêt censure l’appréciation d’un élément probatoire, sans tenir compte de l’ensemble des autres éléments de preuve ayant abouti, en appel à retenir les faits de corruption, ce qui pourrait laisser entendre que la conception maximaliste de la Cour d’appel de Paris impliquant la révision au fond n’est pas retenue, à ce stade par la Cour de cassation ou que celle-ci atteint ses limites dans le cadre d’une instance d’appel non équipée pour effectuer cet examen complet.

Commentaire.

Interminables affaires Alstom, au pluriel : l’arrêt du 29 septembre 2021 est une conséquence indirecte de l’accord conclu aux Etats-Unis en 2014 avec le Department of Justice américain (DoJ), conduisant à un monitoring sévère et une très grande prudence par Alstom dans le traitement des procédures subséquentes. Il est aussi une conséquence de la prise en compte, finalement assez récente, par le droit français de la question de la corruption d’agent public étranger, à la fois par une loi de 2001 introduisant les articles 433-1 et suivants, complétés depuis (Cf. V. Malabat, Droit pénal spécial, Dalloz, 9è éd. 2020, n°966), et la soi Sapin II du 9 décembre 2016, nationalisant les procédures, via d’’agence Nationale anticorruption, le parquet national financier et la possibilité de conclure des Conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), dont l’affaire « Airbus », ayant donné lieu à une CJIP en janvier 2020 est l’exemple le plus saisissant.

Autrefois largement tolérée au point que les entreprises ayant recours à des techniques dynamiques et audacieuses de conviction pouvaient déduire ses sommes, via une déclaration au « guichet du Louvre », dépensées dans l’intérêt de l’entreprise (Comp. B. Oppetit, « Le paradoxe de la corruption à l’épreuve du droit du commerce international », JDI 1987, p. 5), la corruption est désormais une question d’illicéité majeure et un point de contrôle obligatoire, dont l’institution arbitrale a pris toute la mesure (Cf. E. Gaillard, «La corruption saisie par les arbitres du commerce international », Rev. arb., 2017, p. 805).

L’affaire conduisant à cet arrêt montre d’ailleurs la difficulté de l’entreprise. Alstom Transport et une de ses filiales anglaise, Alstom Network, avaient conclu des contrats de « consultant » avec une société chinoise de Hong Kong, Alexander Brothers Ltd (ABL), dirigée par une de leur ancienne salariée, Mme C., intermédiaire efficace puisque Alstom avait remporté tous les appels d’offres objets de ces contrats de consultant. Appelée par ABL à payer les commissions promises par ces contrats, Alstom a refusé de payer le solde de deux de ces contrats et la totalité d’un troisième, arguant d’une situation de corruption, par ABL, d’agents publics chinois, étrangers donc, sur la base d’une enquête ouverte par le Serious Frand Office britannique. ABL a engagé une procédure d’arbitrage (CCI, droit suisse applicable, siège à Genève) en vue du paiement de ces sommes conformément à la clause compromissoire contenue dans ces contrats. Une sentence a condamné Alstom à payer ces sommes en 2016, le recours en annulation engagé en Suisse échouant, tandis que le consultant obtenait une ordonnance d’exequatur en France, contre laquelle Alstom avait interjeté appel, se fondant sur une violation de l’ordre public international, en ce que cet exequatur aboutirait à faire valider un pacte de corruption dans l’ordre juridique français. La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 28 mai 2019 (Paris 28 mai 2019, n° 16/11182, Dalloz actu, 7 juin 2019, obs. J. Jourdan-Marques, D. 2019, p. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et S. Farnoux, p. 2435, obs. Th. Clay, Rev. arb. 2019, p. 850, note E. Gaillard, Paris 10 avr. 2018, n° 16/11182 Rev. arb., 2018.574, note E. Gaillard; RTD com., 2019.42, note E. Loquin; D., 2018.1934, obs. L. d’Avout; D., 2018.2448, obs. Th. Clay, JDI, 2019, p. 581, obs. K. Mehtiyeva) avait infirmé l’ordonnance d’exequatur sur le fondement de la violation de l’ordre public international. Cet argument n’était alors pas nouveau, il était déjà utilisé par la Cour d’appel de puis 1993 (Paris, 30 sept. 1993, Westman, D. 1993. 225 ; Rev. crit. DIP 1994. 349, note V. Heuzé ; RTD civ. 1994. 96, obs. J. Mestre ; RTD com. 1994. 703, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1994. 359, note D. Bureau), et c’est l’origine de la controverse autour de la question du contrôle minimaliste ou maximaliste de la contrariété des sentences arbitrales internationales à l’ordre public international (Cf. C. Séraglini, Le contrôle par le juge de l’absence de contrariété de la sentence à l’ordre public international : le passé, le présent, le futur, Rev. arb. 2020, p. 347 ; J. El Ahdab et D. Mainguy, Droit de l’arbitrage, théorie et pratique, LexisNexis, 2021, n° 1603 s.). La solution a été renforcée à la suite de l’adoption de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption du 17 décembre 1997 et de la Convention des Nations-Unies contre la corruption faite à Mérida le 31 octobre 2003 : le fait qu’une sentence internationale donne effet à une situation juridique dans laquelle un cas de corruption existe est contraire à l’ordre public international. Tout l’enjeu pour le juge de l’annulation est alors d’établir la réalité de ce cas de corruption. L’arrêt de 2019 avait été rendu à la suite du rabat de l’ordonnance de clôture pour permettre aux parties de discuter du moyen invoqué par Alstom relatif à la corruption de l’intermédiaire. De ces deux décisions, il résulte un guide d’appréciation de la preuve à la lumière de l’abandon de de la condition de la violation flagrante de l’ordre public international et de la considération que l’argument de la corruption soit présenté par la partie condamnée et ayant profité de la corruption, en ne respectant ce faisant pas le contrat, agissant ainsi de mauvaise foi, laquelle devient sans importance, le juge de l’annulation n’étant pas celui du contrat. Ce guide se fonde sur l’absence de nécessité d’une preuve directe, formelle de la corruption alléguée, mais sur l’existence d’un faisceau d’indices, suffisamment grave, précis et concordant (Comp. en matière de blanchiment : Paris, 21 févr. 2017, n° 15/01650, Rép. Du Kirghizistan, D. 2017. 2054, obs. S. Bollée, et 2559, obs. T. Clay ; RTD com. 2019. 42, obs. E. Loquin) ou sur le fondement des « red flags » issus de la liste annexée à l’US Foreign Corrupt Practices Act de 1977, loi fédérale américaine ou résultant d’un guide établi en 2012 par la division criminelle du Département de Justice américain, ce qui ne revient pas à appliquer le droit américain (Paris, 15 sept. 2020, CCIP, n°19/09058, Airbus). Ainsi, l’arrêt de 2019 évoque le fait que « Alstom ajoute encore qu’elle était coutumière des pratiques de corruption d’agents publics étrangers, notamment par l’intermédiaire de prétendus consultants, ainsi qu’elle l’a reconnu aux termes d’accords de 2013 et 2014 avec le ministère américain de la Justice portant sur des faits commis en Indonésie, en Arabie saoudite, en Egypte et aux Bahamas (…). Cette circonstance doit être retenue, peu important qu’elle bénéficie à celui qui se prévaut de sa propre turpitude, dès lors que le refus de donner force à un contrat de corruption transcende les intérêts des parties ».

Sur ces bases, la Cour d’appel avait donc infirmé l’ordonnance d’exequatur et ce malgré le rejet de l’annulation de la sentence en Suisse. L’intérêt du pourvoi formé par ABL reposait alors sur la qualité de l’appréciation des preuves apportées par Alstom pour obtenir cette décision.

Or, précisément, la Cour de cassation censure l’arrêt du 28 mai 2019 pour dénaturation des éléments probatoires présentés par les parties. Parmi ceux-ci, outre l’effet « coutumier » dont Alstom s’était auto-incriminé, le fait que ABL avait précisément été choisie pour sa proximité avec les décideurs chinois, le caractère succinct des prestations réalisées par ABS, la faiblesse de ses moyens humains et matériels, les condamnations pour corruption des décideurs chinois « cibles », le fait que Alstom ait fait l’objet d’une enquête par le Serious Fraud Office britannique pour des faits de corruption sur ces marchés (même si Alstom ne semblait pas établir avoir été réellement poursuivi sur ces faits),le fait que Alstom ne parvenait pas à comprendre comment elle avait obtenu l’un des contrats alors que son offre était moins notée que celle de ses concurrents ni comment ABL s’était procuré un document confidentiel concernant l’offre de son concurrent Siemens provenant du ministère chinois des chemins de fer, etc. A propos de ce dernier élément, la Cour d’appel indiquait, au soutien de sa décision, qu’il résultait de la transcription d’une audience arbitrale que « Mme C. ayant confirmé lors de l’audience d’arbitrage qu’elle avait refusé de répondre aux questions des conseils d’Alstom sur la façon dont elle avait obtenu ce document » et que le comptable de ABL, M. V., y aurait indiqué, interrogé sur la consistance des dépenses opérationnelles réalisées pour exécuter la mission que les diligences de ABL qu’elles ont été constituées de la communication de ces documents confidentiels dont les conditions d’obtention délibérément dissimulées font présumer l’origine illicite et ABL était un simple véhicule de transfert de fonds vers des associés, sans vérification possible.

Or c’est précisément ce point qui fonde la censure de l’arrêt par la Cour de cassation. Cette affirmation ressort, selon l’arrêt d’appel, de la transcription de l’audience arbitrale ; or, la transcription telle que la Cour de cassation l’a saisie, fait apparaître que, interrogée par le Tribunal arbitral, Mme C. avait refusé de répondre aux questions posées et que le comptable avait simplement indiqué que l’affirmation selon la quelle les dépenses opérationnelles n’auraient été justifiées que par des reçus de cartes bancaires peu ou pas justifiés était inexacte. Dénaturation, donc, des éléments de preuve par la Cour d’appel de Paris, quand bien même l’arrêt formulait bien d’autres éléments au support de la démonstration d’un faisceau d’indices.

On attendait la réaction de la Cour de cassation sur le virage pris par la Cour d’appel sur l’appréciation de la violation de l’ordre public international depuis l’arrêt Schneider de 2014 (Cass. civ. 1re, 12 févr. 2014, n° 10-17.076, Schneider, D. 2014, p. 490 ; p. 1967, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; p. 2541, obs. T. Clay ; JCP 2014. 782, note D. Mouralis ; 777, concl. P. Chevalier ; Procédures 2014, n° 4, comm. 107, p. 22, note L. Weiller ; Rev. arb. 2014, p. 389, note D. Vidal) et surtout les arrêts Thales et Cytec et l’idée sur seules les violations flagrantes, effectives et concrètes ou « qui crèvent les yeux » sont recevables devant le juge de l’annulation, celui-ci n’étant pas le juge de l’affaire et s’interdisant par là toute révision au fond (Paris, 18 nov. 2004, Thalès Air Defense c/ GIE Euromissile, JCP G 2005, II, 10038, note G. Chabot, I, 134, n° 8, obs. Ch. Seraglini ; JDI 2005, p. 357, note A. Mourre ; D. 2005, pan. 3058, obs. Th. Clay ; RTD com. 2005, p. 263, obs. E. Loquin ; Rev. crit. DIP 2006, p. 104, note S. Bollée ; Cass. civ. 1re, 4 juin 2008, Cytec, D. 2008, p. 1684, note X. Delpech ; Rev. arb. 2008, p. 473, note I. Fadlallah. Adde : L. G. Radicati di Brozzolo, L’illicéité qui « crève les yeux », critère du contrôle des sentences au regard de l’ordre public international : Rev. arb. 2005, p. 529). Sans revenir sur la controverse, le juge de l’annulation est confronté à un double dilemme : assurer un contrôle minimaliste et risquer de faire entrer dans l’ordre juridique français des situations juridiques illicites, ou exercer un contrôle maximaliste et, ce faisant, renoncer au principe de la non-révision au fond de la sentence. Or, la Cour d’appel de Paris développe au contraire un contrôle maximaliste, notamment en matière de corruption, depuis l’arrêt Gulf Leader (Paris, 4 mars 2014, Gulf Leader, D. 2014, p. 1967, obs. S. Bollée ; Rev. arb. 2014, p. 955, note L.C. Delanoy ; Cass. civ. 1re , 24 juin 2015, Rev. arb. 2016, p. 219, note L. Ch. Delanoy, pourvoi rejeté). L’occasion était donc saisie, dans cette affaire en tous points remarquables, de connaître la position de la Cour de cassation : cette occasion est manquée : pas un mot sur la nature du contrôle à exercer ou sur la question du faisceau d’indice ou encore sur cette addition de mots magiques « violations flagrantes, effectives, manifestes ou concrètes », dans le sens que l’on veut, autour desquels les observateurs avertis s’exerçaient à déceler un pas dans un sens ou vers l’autre.

Dans le même temps, on ne peut que relever la vigilance extrême de la Cour de cassation. Rappelons en effet que l’arrêt d’appel, très long et circonstancié, se prévalait d’autres éléments de preuve, notamment un ensemble établissant le faisceau d’indices sur lequel elle fondait son contrôle, tandis que la cassation ne se fonde que sur la présentation, prise pour argent comptant par la Cour d’appel, de la transcription d’une audience du tribunal arbitral (qui, du reste, revient à plusieurs reprises dans l’arrêt d’appel ce qui peut laisser penser que la Cour de cassation y a déceler l’élément central de sa décision), sans reprendre aucun des arguments de fond de la Cour d’appel, alors qu’elle aurait pu écarter cet élément et retenir les autres pour valider la méthode du « faisceau d’indices » : le faisceau peut tenir, quand bien même un des indices y serait retranché. On peut en tirer deux conclusions : la première est que la Cour de cassation s’en tient toujours, a priori, à la conception minimaliste du contrôle de l’ordre public international, du moins tant qu’un arrêt ne précisera pas expressément le contraire. La seconde est que cet arrêt montre les limites de la révision au fond de la sentence arbitrale internationale, étant entendu que la Cour d’appel ne dispose pas, par principe, des moyens du tribunal arbitral, face aux documents d’un volume parfois considérable, auxquels s’ajoutent, ici, les transcriptions des audiences arbitrales et d’autres éléments apportés par des avocats parfaitement au fait de l’affaire qu’ils défendent depuis le procès arbitral. Entre la simple revue prima facie de la sentence et la révision au fond, complète, de l’affaire, la Cour d’appel pourrait se contenter de reprendre le raisonnement de l’arbitre, ce qui reviendrait à sanctionner, éventuellement, le « mal jugé » dans les situations mettant en jeu une question de violation de l’ordre public international, mais éviterait la situation devant laquelle la Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt de 2019, a été placée (Comp. Paris, 12 oct. 2021, n° 19/21625, Aboukhalil, Dalloz actualités, 19 nov. 2021, obs. J. Jourdan-Marquès).

En toute hypothèse, pour connaître la position exacte de la Cour de cassation, il faut attendre le prochain pourvoi, peut-être.

L’arrêt.

Cass. 1re civ., 29 septembre 2021, n° 19-19.769, Inédit

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 mai 2019) et les productions, la société française Alstom transport et la société anglaise Alstom Network (Alstom) ont conclu plusieurs contrats de consultant avec la société chinoise de Hong Kong Alexander Brothers, dirigée par une de leurs anciennes salariées Mme [C] [R]. Alstom a remporté auprès du ministère chinois des chemins de fer tous les appels d’offres en vue desquels les contrats de consultant avaient été signés, mais elle a refusé de payer le solde des commissions dû pour deux de ces contrats et de verser tout paiement pour un troisième, prétextant un risque pénal pour des versements qui servaient peut-être à corrompre des agents publics.

2. La société Alexander Brothers a introduit une procédure d’arbitrage devant la Chambre de commerce internationale (CCI), organisme d’arbitrage désigné dans les clauses compromissoires des contrats. Une sentence condamnant Alstom à payer, au titre du droit suisse applicable, le solde des commissions dues au titre de deux contrats, a été rendue à Genève.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le même moyen, pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

4. La société Alexander Brothers fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’exequatur de la sentence, alors :

« 3°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressort du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015 (transcription d’audience, pièce n° 58-1 Alstom, p. 182 de la version anglaise et p. 132 de la traduction française), visé par l’arrêt attaqué, qu’interrogée au cours de l’audience sur les conditions dans lesquelles elle s’était procurée le compte-rendu de la réunion entre le ministère des chemins de fer et Datong, tenue le 9 avril 2004, Mme [C] [R] a précisé qu’il lui avait été communiqué par M. [J] [U] ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motif pris qu’« au cours de l’instance arbitrale, Mme~[C]~[R] a été interrogée à plusieurs reprises sur les conditions dans lesquelles elle s’était procurée ce document et a refusé de répondre (transcription d’audience, pièce Alstom, n° 58-1, pp. 97 et 98 de la traduction française) », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015, en méconnaissance de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;

4°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressort du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015 (transcription d’audience, pièce n° 58-1 Alstom, p. 177 à 179 de la version anglaise et p. 127 à 129 de la traduction française), visé par l’arrêt attaqué, qu’interrogée sur les conditions dans lesquelles elle avait obtenu la présentation Powerpoint de la société Siemens sur sa stratégie commerciale sur le marché chinois, de sa conception des transferts de technologie et des caractéristiques techniques de ses trains à grande vitesse, Mme~[C]~[R] a précisé qu’elle lui avait été remise par M. [J] [Z], responsable des véhicules roulants au sein du ministère des chemins de fer ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motif pris que « Mme~[C]~[R] a confirmé lors de l’audience d’arbitrage qu’elle avait refusé de répondre aux questions des conseils d’Alstom sur la façon dont elle avait obtenu ce document (transcription de l’audience, pièce 58-1, pp. 99-100) », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015, en méconnaissance de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui était soumis ;

5°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressort du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015 (transcription d’audience, pièce n° 58-1 Alstom, p. 179 à 181 de la version anglaise et p. 130 à 131 de la traduction française), visé par l’arrêt attaqué, qu’interrogée sur ce point, Mme~[C]~[R] a précisé avoir obtenue la note d’Alstom par Mme [N] Luo et que la note technique d’Alstom avait été augmentée, d’une part parce qu’il avait été demandé au vice maire de Shanghai de donner une chance à la coentreprise de façon à ce qu’elle se développe et, d’autre part, en demandant à Alstom d’offrir un prix plus bas pour les pièces de rechange, ce qui avait permis d’obtenir 0,4 points supplémentaires sur la notation technique ; qu’en statuant comme elle l’a fait, motif pris que « lors de son audition par les arbitres, Mme~[C]~[R] a confirmé qu’elle avait refusé de répondre aux questions des conseils d’Alstom les moyens par lesquels cette décision avait été obtenue (transcription des débats, pièce Alstom 58-1, traduction française, p. 109 à 111) », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015, en méconnaissance de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui était soumis ;

6°/ que le juge ne peut dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressort du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015 (transcription d’audience, pièce n° 58-1 Alstom, p. 133 à 138 de la version anglaise et p. 97 à 100 de la traduction française) qu’en réponse aux questions de l’un des arbitres, M. [B], qui l’interrogeait sur le point de savoir si elle avait répondu par la négative aux demandes du conseil juridique externe de Alstom, Fulcrum Chambers, quant aux conditions d’obtention par elle du compte-rendu de la réunion entre le ministère des chemins de fer et Datong, du rapport de la CNR et de la présentation à faite par Siemens au ministère chinois des chemins de fer, Mme~[C]~[R] a répondu que « quand Fulcrum Chambers m’a envoyé un e-mail, j’avais déjà déposé ma demande d’arbitrage » et qu’elle avait effectivement répondu par la négative à ces demandes ; qu’en se fondant sur ce procès-verbal de transcriptions de l’audience du 23 mars 2015, pour en déduire un « indice particulièrement grave de pratiques corruptrices » tenant à « la transmission par un consultant à un candidat à un appel d’offres d’informations confidentielles émanant de l’autorité adjudicatrice, sans précision sur les conditions de leur obtention », quand il en résulte uniquement que Mme~[C]~[R] a admis avoir refusé, après le début de l’arbitrage, de répondre aux questions du conseil externe de la société Alstom quant aux conditions d’obtention de ces documents, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de transcription de l’audience du 23 mars 2015, en méconnaissance de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui était soumis ;

7°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’il ressort du procès-verbal de transcription de l’audience du 24 mars 2015 (transcription d’audience, pièce n° 58-2 Alstom, p. 11 et 12 de la version anglaise et p. 9 et 10 de la traduction française), que lors de son audition, M. [V] a expressément indiqué que l’affirmation du premier rapport d’audit d’Alstom, selon laquelle l’essentiel des dépenses opérationnelles d’ABL était uniquement justifié par des tickets de cartes de crédit, était inexacte, que les auditeurs n’avaient pris que deux jours pour vérifier tous les documents, alors qu’il leur avait été remis quatre ou cinq boites de documents, et que normalement, toutes les dépenses étaient justifiés par des reçus et que seule une petite partie de ces reçus ne leurs avaient pas été remis ; qu’en affirmant que « si M. [V] soutient que dépenses s’accompagnaient de justificatifs, il n’allègue pas que ceux-ci consisteraient en factures et non en simples reçus de cartes de crédit », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du procès-verbal de transcription de l’audience du 24 mars 2015, en méconnaissance de l’obligation faite au juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis. »

Réponse de la Cour

Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :

5. Pour rejeter la demande d’exequatur de la sentence formée par la société Alexander Brothers, après avoir considéré que la reconnaissance ou l’exécution de cette sentence qui condamne Alstom à payer des sommes destinées à financer ou à rémunérer des activités de corruption, est contraire à l’ordre public international, l’arrêt retient qu’il ressort de la transcription de l’audience arbitrale que la gérante, Mme~[C]~[R], interrogée à plusieurs reprises sur les conditions dans lesquelles elle s’était procurée le compte-rendu de la réunion entre le ministère des chemins de fer et Datong le 9 avril 2004, la présentation PowerPoint de la société Siemens portant notamment sur sa stratégie commerciale sur le marché chinois et les informations confidentielles émanant de l’autorité adjudicatrice transmises par ses soins à Alstom, ainsi que, par les conseils de celle-ci, sur les moyens par lesquels l’appel d’offres avait été remporté, a refusé de répondre. Il relève que si le comptable, M. [V], a soutenu que les dépenses opérationnelles faites par cartes bancaires depuis les comptes personnels des associés s’accompagnaient de justificatifs, il n’a pas allégué que ceux-ci consisteraient en des factures et non en de simples reçus de cartes de crédit, ni qu’ils seraient exhaustifs. Il en déduit, d’une part, que les seules diligences de la société Alexander Brothers qui n’apparaissent pas disproportionnées à la rémunération contractuelle prévue ont consisté dans la communication de documents confidentiels dont les conditions d’obtention délibérément dissimulées font présumer l’origine illicite, d’autre part, que la société Alexander Brothers est essentiellement un véhicule de transfert de fonds vers ses associés pour des usages peu ou pas vérifiables.

6. En statuant ainsi, alors que la transcription de l’audience arbitrale mentionne, en premier lieu, les réponses de Mme~[C]~[R], lors de son interrogatoire par le tribunal arbitral, sur les conditions d’obtention des documents confidentiels auprès d’interlocuteurs chinois nommément identifiés, en deuxième lieu, que celle-ci a uniquement refusé de répondre aux demandes des conseils d’Alstom devant les services britanniques de lutte contre la corruption en raison de l’introduction de la procédure d’arbitrage, et, en dernier lieu, que M. [V], interrogé par le président du tribunal arbitral, a déclaré inexact l’affirmation selon laquelle les dépenses opérationnelles n’auraient été justifiées que par des tickets de carte bancaire et que l’objet et la nature de celles-ci ne seraient pas indiqués, la cour d’appel qui a dénaturé les termes clairs et précis de la dite transcription, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne la société Alstom transport et la société Alstom Network aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom transport et la société Alstom Network et les condamne à payer à la société Alexander Brothers la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

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